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Acquisition de titres de noblesse à l'étranger et retranscription sur les registres d'état civil du pays d'origine : quelles limites ?

Civil - Personnes et famille/patrimoine
08/06/2016
L'article 21 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) doit être interprété en ce sens que les autorités d'un État membre ne sont pas tenues de reconnaître le nom d'un ressortissant de cet État membre lorsque celui-ci possède également la nationalité d'un autre État membre dans lequel il a acquis ce nom qu'il a librement choisi et qui contient plusieurs éléments nobiliaires, qui ne sont pas admis par le droit du premier État membre, dès lors qu'il est établi, ce qu'il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, qu'un tel refus de reconnaissance est, dans ce contexte, justifié par des motifs liés à l'ordre public, en ce qu'il est approprié et nécessaire pour garantir le respect du principe d'égalité en droit de tous les citoyens dudit État membre. 
Telle est la décision rendue le 2 juin 2016 par la Cour de justice de l'Union européenne.

En l'espèce, M. X, né en Allemagne, avait, lors d'un séjour en Grande Bretagne de 2001 à 2005, acquis, en plus de sa nationalité allemande, la nationalité britannique et fait changer ses prénoms et son nom, par l'adjonction de "Graf" et "Freiherr" signifiant respectivement "comte" et "baron" en allemand. De retour en Allemagne, il avait demandé au service de l'état civil de la ville d'enregistrer ce changement et d'inscrire dans les registres ses nouveaux noms et prénoms acquis en vertu du droit britannique. Ce service ayant refusé de faire droit à sa demande, il avait saisi le tribunal de district de la ville, qui demandait à la Cour de justice si le droit de l'Union s'opposait à un tel refus de reconnaissance.

La réponse est négative. Si le refus, par les autorités d'un État membre, de reconnaître les prénoms et le nom d'un ressortissant de cet État membre, tels que déterminés et enregistrés dans un autre État membre dont il possède également la nationalité, constitue une restriction à la libre circulation des citoyens de l'Union, la Cour relève que, toutefois, étant donné que la Constitution de Weimar de 1919 a aboli en Allemagne les privilèges et les titres de noblesse et interdit la création de titres conférant l'apparence d'une origine nobiliaire de manière à garantir ainsi l'égalité en droit de tous les citoyens allemands, une telle restriction pourrait être justifiée par des considérations d'ordre public.

C'est ainsi qu'elle retient la solution précitée, renvoyant alors au tribunal allemand le soin de mettre en balance les divers intérêts légitimes. La Cour ajoute qu'en tout état de cause, l'ordre public et le principe d'égalité en droit des ressortissants allemands ne peuvent pas justifier le refus de reconnaître le changement de prénoms demandés.
Source : Actualités du droit