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Coemploi, autorisation de licenciement, élections professionnelles, données à caractère personnelles : quatre arrêts appelés à la plus haute publicité en ligne sur le site de la Cour de cassation

Social - Contrôle et contentieux
26/11/2020
Quatre arrêts du 25 novembre 2020 P+B+I et P+B+R+I pour deux d’entre eux ont été mis en ligne ce jour sur le site internet de la Cour de cassation. Une mention spéciale pour le 1119, riche en enseignements en matière de données à caractère personnel : une adresse IP et des fichiers de journalisation constituent-ils de telles données ? L’occasion pour la Chambre sociale de faire évoluer sa jurisprudence relative à l’illicéité d’une preuve obtenue au moyen de données qui auraient dû faire l’objet d’une déclaration auprès de la Cnil. Et le 1120, qui revisite la notion de coemploi.
 
Arrêt n° 1120 du 25 novembre 2020 (18-13.769) - Cour de cassation - Chambre sociale

Hors l’existence d’un lien de subordination, une société faisant partie d’un groupe ne peut être qualifiée de coemployeur du personnel employé par une autre que s’il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d’autonomie d’action de cette dernière.
Comme le précise la Haute Juridiction dans sa notice explicative, « par cet arrêt, la Chambre sociale décide du maintien de la notion de coemploi, dont la question de l’abandon, au profit de la seule responsabilité extra-contractuelle de la société-mère, était soumise à la formation plénière. La chambre sociale réaffirme cependant le caractère tout à fait exceptionnel du coemploi, en donnant une nouvelle définition de ses éléments constitutifs ».

Arrêt n° 1122 du 25 novembre 2020 (18-13.771 ; 18-13.772) - Cour de cassation - Chambre sociale

La décision d’autorisation de licenciement prise par l’inspecteur du travail, à qui il n’appartient pas de rechercher si la cessation d’activité est due à la faute de l’employeur, ne fait pas obstacle à ce que le salarié, s’il s’y estime fondé, mette en cause devant les juridictions judiciaires compétentes la responsabilité de l’employeur en demandant réparation des préjudices que lui aurait causés une faute de l’employeur à l’origine de la cessation d’activité, y compris le préjudice résultant de la perte de son emploi.
Dès lors, encourt la cassation l’arrêt qui, pour débouter le salarié protégé de sa demande de dommages-intérêts au titre de la faute de l’employeur à l’origine de la cessation d’activité, retient que le préjudice découlant de la perte de son emploi ne saurait être apprécié par les juridictions judiciaires.

Arrêt n° 1153 du 25 novembre 2020 (19-60.222) - Cour de cassation - Chambre sociale

Aux termes de l’article L. 2314-30 du Code du travail, pour chaque collège électoral, les listes présentées aux élections professionnelles qui comportent plusieurs candidats sont composées d’un nombre de femmes et d’hommes correspondant à la part de femmes et d’hommes inscrits sur la liste électorale.
Les dispositions de l’article L. 2314-30, éclairées par les travaux parlementaires, s’appliquent aux organisations syndicales qui doivent, au premier tour pour lequel elles bénéficient du monopole de présentation des listes de candidats et, par suite, au second tour, constituer des listes qui respectent la représentation équilibrée des femmes et des hommes. Elles ne s’appliquent pas aux candidatures libres présentées au second tour des élections professionnelles.

Arrêt n° 1119 du 25 novembre 2020 (17-19.523) - Cour de cassation - Chambre sociale

En application des articles 2 et 22 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée par la loi n° 2004-801 du 6 août 2004, dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur du Règlement général sur la protection des données (RGPD), les adresses IP, qui permettent d’identifier indirectement une personne physique, sont des données à caractère personnel, au sens de l’article 2 susvisé, de sorte que leur collecte par l’exploitation du fichier de journalisation constitue un traitement de données à caractère personnel et doit faire l’objet d’une déclaration préalable auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés en application de l’article 23 de la loi précitée.
En application des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde de droits de l’Homme et des libertés fondamentales, l’illicéité d’un moyen de preuve, au regard des dispositions de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 modifiée par la loi n° 2004-801 du 6 août 2004, dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur du Règlement général sur la protection des données, n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant apprécier si l’utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’un salarié à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi
Encourt la cassation l’arrêt qui énonce que les logs, fichiers de journalisation et adresses IP ne sont pas soumis à une déclaration à la CNIL, ni ne doivent faire l’objet d’une information du salarié en sa qualité de correspondant informatique et libertés lorsqu’ils n’ont pas pour vocation première le contrôle des utilisateurs, alors que la collecte des adresses IP par l’exploitation du fichier de journalisation constitue un traitement de données à caractère personnel au sens de l’article 2 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée et est soumise aux formalités préalables à la mise en oeuvre de tels traitements prévues au chapitre IV de ladite loi, ce dont il résulte que la preuve était illicite et les dispositions des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde de droits de l’Homme et des libertés fondamentales invocables.
« Dans cet arrêt la chambre sociale se prononce pour la première fois sur la question de savoir si une adresse IP et des fichiers de journalisation constituent des données à caractère personnel dont le traitement doit faire l’objet d’une déclaration préalable à la CNIL selon les articles 2 et 22 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée par la loi n° 2004-801 du 6 août 2004, antérieurement à l’entrée en vigueur du Règlement général sur la protection des données » (notice explicative).
 
Ces arrêts feront l’objet de commentaires approfondis dans nos revues à venir.
 
Source : Actualités du droit