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La semaine du droit de la famille

Civil - Personnes et famille/patrimoine
23/11/2020
Présentation des dispositifs des arrêts publiés au Bulletin civil de la Cour de cassation, en droit de la famille, la semaine du 16 novembre 2020.
Mariage – déclaration de nationalité – enregistrement – fraude
« Selon l’arrêt attaqué (Paris, 12 juin 2018), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 17 mai 2017, pourvoi n° 16-18.232), M. X..., né en 1962 au Maroc, a souscrit, le [...] 2002, une déclaration d’acquisition de nationalité en raison de son mariage, célébré le [...] 2001 avec une ressortissante française. Cette déclaration a été enregistrée le [...] 2003.
Après son divorce, prononcé le [...] 2004 et transcrit en marge des actes de l’état civil le [...], M. X... s’est remarié le [...] 2004 avec sa précédente épouse marocaine dont il avait eu un enfant en décembre 2002.
Par bordereau de transmission du 27 décembre 2010, le ministère de l’intérieur a informé le ministère de la justice du refus d’enregistrement, le 17 mars 2010, de la déclaration souscrite par Mme Y..., l’épouse marocaine de M. X... en raison de la fraude commise par celui-ci.
Le 10 décembre 2012, le ministère public a engagé une action en annulation de l’enregistrement de la déclaration souscrite par M. X....
 
Aux termes de l’article 26-4 du Code civil, l’enregistrement d’une déclaration de nationalité peut être contesté par le ministère public en cas de mensonge ou de fraude dans le délai de deux ans de leur découverte.
Le délai biennal d’exercice de l’action court à compter de la date à partir de laquelle le procureur de la République territorialement compétent a été mis en mesure de découvrir la fraude ou le mensonge.
La transcription en marge de l’acte de mariage d’un époux étranger ayant souscrit une déclaration en vue d’acquérir la nationalité française en application de l’article 21-2 du Code civil, de la mention du jugement de divorce, ayant dissous son mariage avec son épouse française, n’est pas en soi, de nature à mettre le ministère public territorialement compétent en mesure de connaître la fraude ou le mensonge qui l’autorise à exercer, conformément à l’article 26-4 du même Code, l’action en annulation de l’enregistrement de cette déclaration.
En premier lieu, l’arrêt retient que, si la copie intégrale de l’acte de mariage de M. X... avec son épouse française comporte la mention marginale, apposée le 10 septembre 2004, du divorce prononcé le 4 décembre 2003, il ne résulte d’aucune de ses énonciations que l’intéressé ait acquis la nationalité française par son mariage. Il en déduit que le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bordeaux n’aurait pu suspecter de fraude sans procéder à des investigations complémentaires fondées sur des critères discriminatoires tirés des patronymes ou des lieux de naissance respectifs des époux. Il ajoute que l’acte de naissance de M. X... n’est pas produit mais qu’en tout état de cause, celui-ci étant né au Maroc, cet acte n’a pu être dressé ou sa transcription faite dans le ressort de la même circonscription judiciaire.
En second lieu, l’arrêt relève que si les services de l’état civil ont appelé l’attention du ministère public sur le mariage de M. X... avec Mme Y..., c’est exclusivement en raison du séjour irrégulier de celle-ci sur le territoire français, lequel pouvait constituer un obstacle à cette célébration.
Ayant ainsi mis en évidence, d’une part, que le ministère public territorialement compétent ne pouvait supposer une fraude au seul vu de la transcription du jugement de divorce en marge de l’acte de mariage, d’autre part, que le signalement relatif au remariage n’était pas, par lui-même, constitutif d’un indice de fraude, la cour d’appel, qui a effectué la première recherche prétendument omise et n’avait pas à procéder à la seconde que ses constatations rendaient inopérante, a légalement justifié sa décision ».
Cass. 1re civ., 18 nov. 2020, n° 19-19.003, P+B+I *
 

GPA – "père d'intention" – acte de naissance – état civil
« Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 13 mai 2019), aux termes de son acte de naissance étranger, A. X-Y est né le 25 août 2015 à Kamloops (Colombie britannique, Canada), ayant pour parents M. X et M. Y, tous deux de nationalité française. Les deux hommes ont eu recours à une convention de gestation pour autrui au Canada.
Le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nantes s'étant opposé à leur demande de transcription de l'acte de naissance sur les registres de l'état civil consulaire, MM. X et Y l'ont assigné à cette fin.

Vu les articles 3, § 1, de la Convention de New-York du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant, 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 47 du Code civil :
Aux termes de l'article 3, § 1, de la Convention de New-York du 20 novembre 1989, dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale.
Aux termes de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.
Aux termes de l'article 47 du Code civil, tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.
Il se déduit du deuxième de ces textes, tel qu'interprété par la Cour européenne des droits de l'homme (avis consultatif du 10 avril 2019), qu'au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant, la circonstance que la naissance d'un enfant à l'étranger ait pour origine une convention de gestation pour autrui, prohibée par les articles 16-7 et 16-9 du Code civil, ne peut, à elle seule, sans porter une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée de l'enfant, faire obstacle à la transcription de l'acte de naissance établi par les autorités de l'Etat étranger, en ce qui concerne le père biologique de l'enfant, ni à la reconnaissance du lien de filiation à l'égard de la mère d'intention mentionnée dans l'acte étranger, laquelle doit intervenir au plus tard lorsque ce lien entre l'enfant et la mère d'intention s'est concrétisé (Ass. plén., 4 octobre 2019, pourvoi n° 10-19.053, publié, paragraphe 6).
Le raisonnement n'a pas lieu d'être différent lorsque c'est un homme qui est désigné dans l'acte de naissance étranger comme « parent d'intention ».
La jurisprudence de la Cour de cassation (1re Civ., 5 juillet 2017, pourvois n° 15-28.597, Bull. 2017, I, n° 163, n° 16-16.901 et 16-50.025, Bull. 2017, I, n° 164 et n° 16-16.455, Bull. 2017, I, n° 165) qui, en présence d'un vide juridique et dans une recherche d'équilibre entre l'interdit d'ordre public de la gestation pour autrui et l'intérêt supérieur de l'enfant, a refusé, au visa de l'article 47 du Code civil, la transcription totale des actes de naissance étrangers des enfants en considération, notamment, de l'absence de disproportion de l'atteinte portée au droit au respect de leur vie privée dès lors que la voie de l'adoption était ouverte à l'époux ou l'épouse du père biologique, ne peut trouver application lorsque l'introduction d'une procédure d'adoption s'avère impossible ou inadaptée à la situation des intéressés. 
Ainsi, dans l'arrêt précité, l'assemblée plénière de la Cour de cassation a admis, au regard des impératifs susvisés et des circonstances de l'espèce, la transcription d'actes de naissance étrangers d'enfants nés à l'issue d'une convention de gestation pour autrui, qui désignaient le père biologique et la mère d'intention.
Les mêmes impératifs et la nécessité d'unifier le traitement des situations ont conduit à une évolution de la jurisprudence en ce sens qu'en présence d'une action aux fins de transcription de l'acte de naissance étranger de l'enfant, qui n'est pas une action en reconnaissance ou en établissement de la filiation, ni la circonstance que l'enfant soit né à l'issue d'une convention de gestation pour autrui ni celle que cet acte désigne le père biologique de
l'enfant et un deuxième homme comme père ne constituent des obstacles à la transcription de l'acte sur les registres de l'état civil, lorsque celui-ci est probant au sens de l'article 47 du Code civil (1re Civ., 18 décembre 2019, pourvoi n° 18-12.327, publié, et 1re Civ., 18 décembre 2019, pourvoi n° 18-11.815, publié).
Pour ordonner la transcription partielle de l'acte de naissance de A et rejeter la demande en ce que cet acte désigne M. Y en qualité de parent, l'arrêt retient que la désignation de celui-ci ne peut correspondre à la réalité biologique, ce dont il résulte que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité, et que la transcription partielle ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l'enfant, au regard du but légitime poursuivi, dès lors que l'accueil de l'enfant au sein du foyer constitué par son père et son compagnon n'est pas remis en cause par les autorités françaises et que ce dernier aura la possibilité de créer un lien de filiation avec l'enfant par un biais autre que la transcription, n'étant pas établi que la voie de l'adoption serait fermée au motif qu'il figure dans l'acte de naissance comme parent.
En statuant ainsi, alors que, saisie d'une demande de transcription d'un acte de l'état civil étranger, elle constatait que celui-ci était régulier, exempt de fraude et avait été établi conformément au droit de l'Etat de Colombie Britannique, la cour d'appel a violé les textes susvisés
».
Cass. 1re civ., 18 nov. 2020, n° 19-50.043, P+B *


 Charges du mariage – contribution 
« Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 20 février 2019), un jugement a prononcé le divorce de Monsieur X et de Madame Y, mariés sous le régime de la séparation de biens. Des difficultés sont nées pour le règlement de leurs intérêts patrimoniaux.

(…) Vu les articles 214 et 1537 du Code civil :
Il résulte de ces textes que lorsque les juges du fond ont souverainement estimé irréfragable la présomption résultant de ce que les époux étaient convenus, en adoptant la séparation de biens, qu'ils contribueraient aux charges du mariage à proportion de leurs facultés respectives et que chacun d'eux serait réputé avoir fourni au jour le jour sa part contributive, en sorte qu'ils ne seraient assujettis à aucun compte entre eux ni à retirer à ce sujet aucune quittance l'un de l'autre, un époux ne peut, au soutien d’une demande de créance, être admis à prouver l’insuffisance de la participation de son conjoint aux charges du mariage pas plus que l’excès de sa propre contribution.
Pour accueillir la demande de Mme X tendant à se voir reconnaître titulaire d'une créance au titre du financement par des deniers personnels de la construction d'un immeuble ayant constitué par la suite le domicile conjugal, et ce, sur un terrain appartenant à son mari, après avoir relevé que le contrat de mariage des époux prévoit qu’ils contribueront aux charges du mariage à proportion de leurs facultés respectives et que chacun d'eux sera réputé avoir fourni au jour le jour sa part contributive, en sorte qu'ils ne seront assujettis à aucun compte entre eux ni à retirer à ce sujet aucune quittance l'un de l'autre, l'arrêt retient, d’une part, que le caractère irréfragable de cette clause, dont se prévaut Monsieur X, n'interdit pas à un époux de faire la démonstration de ce que sa participation a excédé ses facultés contributives, d’autre part, que si la sur-contribution est démontrée, elle a pour effet de rendre la clause inefficace.
En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ».
Cass. 1re civ., 18 nov. 2020, n° 19-15.353, P+B *



*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 23 décembre 2020.
 
Source : Actualités du droit