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La semaine du droit du travail

Social - Contrôle et contentieux
16/11/2020
Présentation des dispositifs des arrêts publiés de la Chambre sociale de la Cour de cassation en droit du travail, la semaine du 16 novembre 2020. Cinq arrêts publiés cette semaine, dont trois retiendront plus particulièrement l’attention. Appelés à la plus haute publicité, ils ont fait l’objet d’une mention particulière sur le site de la Cour de cassation la semaine dernière.
 
La prescription pour l'action en réparation du préjudice d’anxiété est de 2 ans
Aux termes de l'article L. 1471-1 du Code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.
L'action par laquelle un salarié, ayant travaillé dans un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, demande réparation du préjudice d'anxiété, au motif qu’il se trouve, du fait de l’employeur, dans un état d'inquiétude permanente généré par le risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, se rattache à l’exécution du contrat de travail.
Ayant constaté que l'arrêté ministériel qui a inscrit l'établissement de Tarascon sur la liste des établissements permettant la mise en œuvre du régime légal de l'Acaata avait été publié le 12 octobre 2013, la cour d’appel en a exactement déduit que le délai de prescription de l'action du salarié expirait le 12 octobre 2015 de sorte que la demande introduite postérieurement à cette date était prescrite. Cass. soc., 12 nov. 2020, n° 19-18.490 FS-P+B+I

Le salarié peut agir contre l'entreprise de travail temporaire lorsque les conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main-d’œuvre est interdite n'ont pas été respectées
Par ailleurs, il résulte de l'article L. 1251-36 du Code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-994 du 17 août 2015, et de l'article L. 1251-37 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, que l'entreprise de travail temporaire ne peut conclure avec un même salarié sur le même poste de travail, des contrats de missions successifs qu'à la condition que chaque contrat en cause soit conclu pour l'un des motifs limitativement énumérés par le second de ces textes, au nombre desquels ne figure pas l'accroissement temporaire d'activité.
Ayant fait ressortir que l'entreprise de travail temporaire avait conclu plusieurs contrats de mission au motif d'un accroissement temporaire d'activité sans respect du délai de carence, la cour d'appel en a exactement déduit que la relation contractuelle existant entre le salarié et l'entreprise de travail temporaire devait être requalifiée en un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 20 juillet 2009.
Le non-respect du délai de carence caractérisant un manquement par l'entreprise de travail temporaire aux obligations qui lui sont propres dans l'établissement des contrats de mission, la cour d'appel, sans avoir à procéder à une recherche inopérante, en a exactement déduit qu'elle devait être condamnée in solidum avec l'entreprise utilisatrice à supporter les conséquences de la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée, à l'exception de l'indemnité de requalification, dont l'entreprise utilisatrice est seule débitrice. Cass. soc., 12 nov. 2020, n° 18-18.294 FS-P+B+I

Le recours à l’utilisation de contrats de missions successifs impose de vérifier qu’il est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi
Aux termes de l’article L. 124-2, alinéa 1er, devenu l’article L. 1251-5 du Code du travail, le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise utilisatrice.
Selon les articles L. 124-2, alinéa 2, L. 124-2-1 et D. 124-2 devenus les articles L. 1251-6 et D. 1251-1 du même code, dans les secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, il peut être fait appel à un salarié temporaire pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire dénommée « mission » pour certains des emplois en relevant lorsqu’il est d’usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, et que des contrats de mission successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié.
Il résulte de l’application combinée de ces textes, que le recours à l’utilisation de contrats de missions successifs impose de vérifier qu’il est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi. Cass. soc., 12 nov. 2020, n° 19-11.402 FS-P+B+I

Plateformes de mise en relation, présomption de non-salariat et trouble manifestement illicite
Il résulte de l’article 873, alinéa 1er du Code de procédure civile que le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence de ce tribunal, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Ayant relevé, d’une part, que les articles L. 7341-1 et suivants du Code du travail, issus de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, étaient applicables aux travailleurs indépendants recourant, pour l’exercice de leur activité professionnelle, à une ou plusieurs plateformes de mise en relation par voie électronique définies à l’article 242 bis du Code général des impôts et qu’ils prévoyaient les conditions d’exercice de la responsabilité sociale de ces plateformes et, d’autre part, qu’en vertu de l’article L. 8221-6 du même code, les travailleurs indépendants étaient présumés n’être pas liés avec le donneur d’ordres par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation au registre du commerce et des sociétés, la cour d’appel, qui a retenu que l’essor des plateformes numériques telles que celle en litige était encadré par les dispositions législatives susvisées et constaté l’absence d’indices suffisants permettant avec l’évidence requise en référé de renverser la présomption de non-salariat prévue à l’article L. 8221-6 du Code du travail pour les travailleurs indépendants s’y inscrivant, a ainsi fait ressortir que n'était pas établi avec évidence le fait que la société exerce de façon illicite une activité d’exploitation de plateforme numérique légalement reconnue, écartant ainsi implicitement toute hypothèse de fraude manifeste à la loi. Elle a pu déduire, sans dénaturer les conclusions des parties ni être tenue de procéder à des recherches excédant ses pouvoirs, l’absence de trouble manifestement illicite et de dommage imminent consécutif à ce trouble. Cass. soc., 12 nov. 2020, n° 19-10.606 FS-P+B

CCN Organismes de sécurité sociale : la prime mensuelle de responsabilité ne concerne pas le contrôle des comptes comptables de la caisse
Selon l’article 1er de l’avenant du 25 janvier 1978 à la Convention collective nationale de travail du personnel des organismes de sécurité sociale, dans sa version issue du protocole d’accord du 30 novembre 2004, les agents techniques délégués de l’agent comptable qui exercent une fonction de contrôle des décomptes ou des comptes employeurs perçoivent une prime mensuelle de responsabilité correspondant à 5 % du salaire de leur coefficient de qualification.
La cour d'appel a retenu à bon droit que le contrôle susceptible de donner lieu au versement de la prime de responsabilité prévue par le texte précité est le contrôle opéré sur l'opération de liquidation des droits proprement dits -et donc sur les décomptes- et non pas le contrôle des comptes comptables de la caisse. Cass. soc., 12 nov. 2020, n° 19-14.985 FS-P+B
 
 
 
Source : Actualités du droit